Gestion de crise : pour l’établissement de systèmes de gestion de crise résilients
- La direction
- 17 mai
- 4 min de lecture

Dans le cadre de cette rubrique, je partage avec vous une synthèse de mes recherches tout en vous fournissant des références scientifiques et des modèles qui font référence dans la discipline [1].
La gestion de crise à l’épreuve de l’agilité
Face à un environnement de plus en plus volatil, incertain, complexe et ambigu (VUCA en anglais), la gestion de crise occupe une place centrale dans la stratégie des entreprises modernes.
Pourtant, malgré l’essor des théories et des outils spécifiques à ce domaine, les pratiques de gestion de crise restent souvent rigides et inadaptées aux réalités actuelles.
Il devient urgent de repenser cette discipline pour permettre aux organisations de faire face plus efficacement aux crises.
Les limites des modèles traditionnels : rigidité et inadaptation
Les approches classiques de gestion de crise, centrées sur la planification détaillée et la centralisation des décisions, ont montré leurs limites lorsqu’il s’agit de gérer des crises complexes.
Ces modèles, hérités d’un contexte stable, sont souvent inopérants dans des situations imprévisibles, où la vitesse de réaction et l’adaptabilité sont essentielles.
Une focalisation excessive sur la prévision et le contrôle empêche les organisations de s’adapter rapidement aux nouvelles réalités imposées par la crise.
De plus, l’accent mis sur les scénarios préétablis et les procédures rigides nuit à la capacité des entreprises à naviguer en terrain inconnu.
En cas de crise, les imprévus sont légion, et la flexibilité stratégique est indispensable pour ajuster les actions à mesure que la situation évolue.
Le manque d’agilité des organisations face à ces évolutions rend souvent les plans de crise obsolètes avant même qu’ils ne soient mis en œuvre.
La gestion des émotions : un facteur humain négligé
Si les dimensions techniques et logistiques de la gestion de crise sont largement documentées, la gestion des émotions humaines est souvent reléguée au second plan.
Pourtant, les réactions émotionnelles des individus jouent un rôle majeur dans la manière dont les crises sont perçues et gérées. La manière dont les employés et les dirigeants attribuent du sens aux événements de crise influence profondément la qualité des décisions prises et leur mise en œuvre.
L’une des clés de cette dimension humaine réside dans la capacité des individus à comprendre et à interpréter les événements de crise.
Le processus de sensemaking,
ou construction de sens, est essentiel pour aider les équipes à faire face à l’incertitude et à l’ambiguïté.
Les crises sont souvent vécues comme des situations perturbatrices, et la manière dont elles sont interprétées peut déterminer la réactivité des employés et la fluidité de la communication au sein de l’organisation.
L’agilité stratégique : une nécessité en temps de crise
La réactivité est un principe fondamental pour la gestion de crise, mais elle ne suffit pas si elle n’est pas accompagnée d’une véritable agilité stratégique.
Dans un monde en constante mutation, la capacité à ajuster rapidement les stratégies en fonction des nouvelles informations et des évolutions de la situation devient cruciale.
Ce n’est pas simplement la vitesse d’action qui compte, mais aussi la pertinence et l’adaptabilité des décisions prises.
Ainsi, une gestion de crise efficace repose sur une capacité à évoluer au fur et à mesure que la crise se déploie.
Les organisations doivent
développer des mécanismes leur permettant de s’ajuster en temps réel,
en prenant en compte les ressources disponibles, les défis émergents et
les signaux faibles qui annoncent
des changements.
Ce processus d’adaptation continue permet d’éviter les pièges des stratégies rigides et offre une plus grande flexibilité face à l’incertitude.
L’intelligence collective : vers une gouvernance décentralisée
Une des propositions majeures pour une gestion de crise plus efficace est de repenser la gouvernance en période de crise.
Plutôt que de s’appuyer uniquement sur des structures hiérarchiques et centralisées, il est nécessaire de favoriser un modèle plus décentralisé, où chaque acteur clé dispose de l’autonomie nécessaire pour agir rapidement et efficacement.
La prise de décision doit être
rapprochée de l’action, ce qui
permet une meilleure réactivité face
à l’évolution des événements.
Dans ce modèle décentralisé, la collaboration et la communication entre les différentes parties prenantes deviennent essentielles.
La mise en place de mécanismes d’intelligence collective, où chacun peut contribuer selon ses compétences et son expertise, permet une gestion plus fluide et cohérente de la crise.
Cela renforce la résilience organisationnelle, car chaque membre de l’organisation se sent impliqué et responsabilisé face à la situation.

L’apprentissage postcrise : une opportunité pour l’évolution organisationnelle
Enfin, une des erreurs fréquentes dans la gestion de crise est de voir celle-ci uniquement comme un obstacle à surmonter. Pourtant, chaque crise offre une occasion précieuse d’apprentissage.
Les organisations doivent intégrer
un processus systématique d’évaluation
et de réflexion après chaque crise,
afin de tirer des leçons concrètes
pour l’avenir.
Cette démarche d’apprentissage postcrise permet non seulement de renforcer les capacités de réponse futures, mais aussi d’identifier des pistes d’amélioration pour les processus organisationnels, la gestion du leadership et la prise de décision.
Les entreprises qui adoptent cette approche transforment leurs échecs et leurs réussites en leviers d’évolution.
L’intégration de ces enseignements dans les pratiques quotidiennes de gestion permet d’éviter la répétition des erreurs passées et de bâtir une culture d’apprentissage continue.
De cette manière, chaque crise devient un tremplin pour le développement de la résilience organisationnelle.
Pour conclure, une gestion de crise efficace doit s’appuyer sur des principes d’agilité, d’intelligence collective et d’apprentissage continu.
En dépassant les modèles rigides et mécanistes, les organisations peuvent non seulement améliorer leur capacité à réagir face à la crise, mais aussi renforcer leur résilience à long terme.
La crise ne doit pas être perçue comme une simple menace, mais comme une occasion de renforcer les compétences et les processus organisationnels.
Une telle approche permettra de mieux préparer les entreprises aux défis de demain, tout en plaçant l’humain au cœur de la gestion de crise.
Raphaël de Vittoris
Raphaël De Vittoris est directeur des risques, de la crise et de la cyberdéfense chez Symbio. Docteur en sciences de gestion, il est aussi professeur associé et fondateur d’Antifragile.fr.Auteur de plusieurs ouvrages, il explore la résilience et l’antifragilité des organisations. Il accompagne les entreprises dans la consolidation de leur pérennité.Son parcours mêle recherche, enseignement et action, au croisement du management, de la stratégie et de la gestion de crise.
Source :
[1] De Vittoris R., Cros, S. et Lebrument, N. (2021). Pour l’établissement de systèmes de gestion de crise résilients. Question(s) de management, 5(35), 113-126.
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