Quelle gouvernance pour capitaliser réellement sur un retour d’expérience post-crise ?
- La direction
- 17 mai
- 5 min de lecture
Combien sont nombreux les beaux rapports de retour d’expérience (RETEX), avec de parfaites reliures, rangés dans les tiroirs des organisations ?

Servent-ils réellement au renforcement de leur résilience ?
Découvrons, à travers ces lignes qui suivent, comment véritablement exploiter ces trésors, souvent ignorés aux dépens des organisations.
Le risque zéro n'existe pas. Les crises sont donc inéluctables. Les organisations doivent ainsi se focaliser sur la gestion de leur occurrence, mais surtout sur la capitalisation des leçons apprises qui en découlent.
Cet article explore la gouvernance nécessaire pour exploiter efficacement les retours d’expérience (RETEX) et renforcer ainsi la résilience organisationnelle.
Le RETEX, une étape nécessaire
Le retour d'expérience consiste à analyser les actions réalisées (ou non réalisées) en situation de crise (réelle ou simulée) qu'elles soient positives ou négatives.
Le but ultime ? En tirer des enseignements concrets permettant d’être plus résilients.
Plus pratiquement, cela peut consister à se poser, sans biais cognitifs, un certain nombre de questions concrètes, sous différents formats (questionnaire, entretiens, plénière, etc.), parmi lesquelles :
Est-ce que les signaux faibles ont été considérés ?
Quels ont été les délais de réponse ?
Aurions-nous fait mieux ?
L’organisation de la salle de crise était-elle ergonomique ?
Les plans de résilience (plan de gestion de crise, plan de continuité des activités) étaient- ils cohérents/utiles ?
Bref, la liste n’est bien entendu pas exhaustive.
La réponse à ces interrogations permettra d’une part d’identifier les mécanismes organisationnels et humains ayant fonctionné et les dysfonctionnements. D’autre part, cela doit donner lieu à des axes d’amélioration du dispositif de résilience sur le plan organisationnel, humain et logistique.
Est-ce suffisant ?
Malheureusement, les RETEX se réduisent quelquefois à de beaux rapports rangés aux tiroirs. Or, l'essence même de la capitalisation réside dans l’exploitation opérationnelle des axes d'amélioration.
Sans gouvernance structurée, le RETEX n’est qu’une case cochée pour se rassurer que le travail soit fait, en attendant l’occurrence d’une nouvelle crise.
La subsidiarité de l’action, un préalable organisationnel
Il convient que les actions de remédiations identifiées lors des RETEX soient attribuées à des personnes nommément désignées, et pertinentes pour l’action à mettre en œuvre. Une recommandation relative au média training par exemple doit être portée par le référent du département communication. Car, c’est son métier : il en connaît mieux les subtilités opérationnelles.
Une culture de la responsabilité individuelle comme principe
Un moyen de sensibiliser les parties prenantes est d’instaurer une culture «Skin in the game», concept porté par Nassim Nicholas Taleb.
Le principe réside dans le fait que toute personne prenant un risque, en prenant une décision ou en réalisant une action, doit être réellement exposée à ses conséquences s’il faillit.
Sur la base de ce principe, on peut considérer que toute crise ultérieure dont la cause est due à des recommandations attribuées non remédiées par son référent s’expose à de potentielles sanctions plus ou moins importantes (à préétablir collectivement dans l’organisation).
Non pas dans une logique de chasse aux sorcières. Mais plutôt de s’inscrire dans une démarche de responsabilité individuelle dans la pérennité de l’organisation.
La gouvernance, comme outil de sécurisation du processus de capitalisation
Un pilotage opérationnel
Le meilleur moyen d’assurer la mise en œuvre concrète des actions identifiées dans le RETEX est de définir un pilotage en mode projet.
En effet, un référent pilotage doit être désigné, dont le but sera de réaliser un suivi permettant de mesurer précisément l’état d’avancement de la mise en œuvre des recommandations, notamment à travers un tableau de bord par exemple.
Une comitologie dédiée(1)
Quel intérêt ?
Le compte rendu n’est pas neutre du moment où il doit se faire dans le cadre d’une instance, composée en particulier de représentants du Top management, du responsable de continuité des activités (et du Crisis manager (ou gestionnaire de crise) si distinct), des représentants des départements Risque et Conformité.
Il ne s’agirait pas de communiquer seulement l’état d’avancement de la capitalisation, mais également les points d'attention (non-respect des délais, difficultés techniques, organisationnelles ou budgétaires, etc.).
En outre, chaque réunion doit faire l’objet d’un arbitrage dudit Top management, des avis de la compliance (avis en cas de risque de non-conformité réglementaire par exemple), et du risque (avis sur l’alignement avec le niveau de tolérance au risque de l’organisation).
Les décisions actées doivent nécessairement être traçables et actionnables.
On s’arrête là ? Eh bien… Non sans un "crash test"
Il convient cependant de noter que ces actions sont une condition nécessaire, mais pas suffisante, si les actions mises en œuvre ne sont pas systématiquement mises à rude épreuve.
En effet, une opération test est indispensable pour revisiter la solidité des cicatrices de l’organisation.
Avec le même scénario ?
Surtout pas. Le test doit être idéalement réalisé, sans avertir les principaux acteurs de la gestion crise (sur une plage horaire convenable) avec un scénario différent du précédent pour éviter tout biais. Mais avec des objectifs similaires.
Enfin, il convient de reconnaître que la résilience est un idéal plus ou moins atteignable. Les organisations ont à minima une obligation de moyens, en ne laissant la place qu’à l’inéluctable. Absolument rien au hasard.
C’est pourquoi chaque crise doit permettre de grandir davantage, par l’intégration réelle des leçons afférentes.
Pour finir, l’exercice descriptif et normatif des RETEX est essentiel pour renforcer la résilience organisationnelle.
Sans une gouvernance structurée, ces enseignements risquent de rester lettre morte et d’ouvrir la voie à des crises évitables.
Ne limitez pas vos RETEX à des rapports : appliquez les axes d’amélioration, retestez-les, et transformez-les en leviers durables pour anticiper et mieux gérer les crises futures. Elles viendront, soyez-en certains !
Vamara FOFANA
Vamara est Consultant en Cybersécurité/Résilience chez EY (Paris). Ancien membre du centre de crise du ministère de la Santé pendant la COVID-19, il est titulaire de deux Masters : Économie de la Santé (Paris Dauphine) et Gestion des Risques et des Crises (Paris 1 - Sorbonne).
5 actions structurantes pour tirer réellement parti de vos RETEX
Désigner des “remediation owners”: Chaque recommandation formulée doit avoir un responsable spécifique. Ces “remediation owners” doivent être nommément désignés et clairement communiqués à toutes les parties prenantes (acteurs de la crise à minima), garantissant ainsi une responsabilité directe et un suivi rigoureux de la mise en œuvre des actions.
Désigner un référent de pilotage: Le référent de pilotage doit être identifié afin de superviser la mise en œuvre concrète des recommandations issues des RETEX. Il doit s’assurer que les actions sont réalisées dans les délais impartis.
Mettre en place une comitologie: Une comitologie, incluant la direction, le responsable de la conformité, le responsable du risque, et d’autres parties prenantes pertinentes le cas échéant, doit être mise en place pour suivre l’avancement des actions, évaluer les risques associés et faciliter la prise de décision stratégique.
Tester le dispositif actualisé: Il est essentiel de tester régulièrement le dispositif mis à jour à travers des simulations surprises basées sur des scénarios variés. Ces tests doivent permettre de vérifier la réactivité des parties prenantes, l’efficacité des recommandations et d’identifier des axes d’amélioration complémentaires le cas échéant.
Améliorer en continu du processus de capitalisation: L’organisation doit inscrire la gestion des RETEX de bout en bout dans une démarche d’amélioration continue, en révisant régulièrement leur pertinence. Revisitant les crises passées, elle peut ajuster les priorités et renforcer sa capacité d’anticipation pour mieux gérer les crises futures.
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