La gestion des enjeux sensibles face aux crises profondes
- La direction
- 17 mai
- 5 min de lecture

Dans les années 2000, Nokia dominait le marché des téléphones mobiles avec des produits innovants et une forte présence sur le marché.
Cependant, l'entreprise a été confrontée à un bouleversement technologique qui a conduit à sa chute : la gestion des enjeux sensibles se destinent à anticiper et gérer ces crises majeures.
Historiquement, la gestion de crise vise à contenir les impacts d’une crise et à restaurer la normalité rapidement.
Cependant, dans un monde en mutation, cette approche réactive montre ses limites. Les organisations doivent adopter une stratégie anticipative pour gérer les enjeux sensibles et éviter qu'ils ne deviennent des crises majeures.
Les enjeux sensibles : une menace insidieuse et puissante
Contrairement aux crises soudaines, les enjeux sensibles émergent progressivement. Ils naissent de mutations internes ou de transformations externes comme l’évolution des normes sociales, des controverses sociétales, ou encore de l’introduction de technologies de rupture.
Exemple : L’intelligence artificielle (IA)
Initialement perçue comme une innovation prometteuse, l’IA est rapidement devenue un enjeu sensible. Si elle offre des opportunités de croissance, elle soulève des questions éthiques : impact sur l’emploi, protection des données ou biais algorithmiques. Une entreprise adoptant l’IA sans anticiper ces défis risque une crise de réputation ou des régulations plus strictes.
Gérer ces enjeux nécessite une stratégie à long terme, basée sur une compréhension approfondie des dynamiques en jeu. Il ne s’agit pas simplement de réagir, mais d’anticiper, de structurer et de mettre en place des actions concrètes pour atténuer les risques et les impacts.
Pourquoi intégrer la gestion des enjeux sensibles ?
Les enjeux sensibles ne se limitent pas à des risques isolés. Leur gestion proactive permet de naviguer dans un environnement de plus en plus complexe et interconnecté. En anticipant ces défis, les organisations peuvent :
Identifier les signes avant-coureurs de crises potentielles.
Protéger leur réputation et renforcer l’autorisation sociale d’exercer.
Adapter leurs pratiques aux attentes croissantes des parties prenantes.
Préparer les situations de crise.
Exemple : La consommation responsable
L’évolution des attentes sociétales en matière d’éthique et de durabilité a transformé l’industrie alimentaire. Les entreprises ayant anticipé ces changements ont renforcé leur position sur le marché, tandis que celles qui les ont ignorés ont subi des critiques publiques et des pertes de confiance.
Pendant la crise : gérer l’effet domino et l’effet de halo
Lorsqu’une crise éclate, deux phénomènes amplifient souvent ses impacts : l’effet domino et l’effet de halo.
L’effet domino : Une crise initiale entraîne une cascade d’événements. Par exemple, une cyberattaque peut paralyser les systèmes internes, affecter les fournisseurs, et générer une méfiance durable chez les clients.
L’effet de halo : Une erreur ou un incident peut nuire à l’image globale de l’organisation. Par exemple, une collectivité mal préparée à une catastrophe naturelle, comme à Valence lors des inondations de novembre 2024, peut voir sa capacité à gérer d’autres crises remise en question.
Prévenir ces effets :
Identifier les interdépendances critiques et anticiper les scénarios possibles.
Communiquer rapidement pour éviter les perceptions négatives durables.
Agir de manière coordonnée pour limiter les impacts secondaires.
La cellule de crise : un levier stratégique
Traditionnellement activée pour répondre à des urgences, la cellule de crise doit désormais jouer un rôle élargi, intégrant la gestion des enjeux sensibles.
Ses missions incluent :
L’anticipation : Détecter les signaux faibles pour éviter qu’un enjeu sensible ne dégénère en crise ouverte.
L’analyse stratégique : Évaluer les risques pour les parties prenantes, la réputation et les opérations.
Le pilotage transverse : Coordonner les départements clés (RH, communication, juridique) pour une réponse cohérente.
Exemple : Une controverse éthique
Face à des critiques sur ses pratiques de production, une entreprise doit non seulement gérer la communication, mais aussi auditer ses processus internes et engager des discussions avec ses parties prenantes critiques pour restaurer la confiance.
Après la crise : transformer les enjeux en opportunités
Chaque crise offre une occasion d’apprendre et d’évoluer. Une gestion proactive des enjeux sensibles permet de :
Renforcer la résilience organisationnelle.
Transformer les défis en opportunités stratégiques.
Restaurer la confiance en démontrant une capacité d’adaptation.
Exemple : La transition énergétique
Dans l’industrie automobile, les acteurs ayant anticipé le passage aux véhicules électriques dominent aujourd’hui le marché.
Ceux qui ont tardé à s’adapter subissent des pertes face à des concurrents plus innovants.
Vers une résilience accrue grâce à la gestion des enjeux sensibles
La résilience organisationnelle est bien plus qu’une simple capacité à surmonter les crises : c’est un état d’être, une posture durable qui repose sur l’aptitude à anticiper, à s’adapter et à prospérer dans un environnement marqué par l’incertitude et le changement constant.
Dans ce contexte, la gestion des enjeux sensibles émerge comme un levier central, permettant aux organisations de renforcer leur résilience et de mieux appréhender un monde où les crises sont souvent complexes, interconnectées et amplifiées par les dynamiques globales.
La gestion des enjeux sensibles comme une opportunité face aux crises profondes
Naviguer dans les enjeux sensibles et les crises profondes nécessite anticipation, réactivité et stratégie.
Amplifiées par les évolutions normatives, technologiques et idéologiques, ces crises ne peuvent être gérées uniquement de manière réactive. Bien qu’insidieux, les enjeux sensibles peuvent devenir des leviers d’innovation et de résilience.
En adoptant une vision globale, en menant une veille active et en cartographiant les risques, les organisations transforment ces défis en opportunités stratégiques.
Cette gestion proactive permet de prévenir les crises, de renforcer leur position et de préparer un avenir durable et résilient.
Didier Heiderich
Didier est un expert en gestion des crises et des enjeux sensibles.Ingénieur CESI, il a fondé HEIDERICH il y a 25 ans, une entreprise pionnière en conseil et formation, intervenant en Europe, Afrique et au Brésil sur des situations de crise.Président de l’Observatoire International des Crises, il a co-inventé le concept de communication sensible et conduit des travaux sur la gestion des incertitudes, les crises cyber, la désinformation et la prise de décision complexe.Conférencier à l’INSP, l’IHEDN et l’ENM, Didier est également l’auteur de plusieurs ouvrages, dont "Plan de gestion de crise", publié chez Dunod.
Nokia, un cas d’école
L’histoire de Nokia est un exemple frappant de l’importance d’une gestion proactive des enjeux sensibles pour renforcer la résilience des organisations. La résilience, rappelons-le, n’est pas une méthode, mais un état à cultiver pour mieux affronter les turbulences.
Transition vers les smartphones
Face à l’émergence des smartphones, notamment l’iPhone et les appareils Android, Nokia, alors leader des téléphones mobiles, a sous-estimé l’ampleur du changement. L’entreprise n’a pas su répondre aux attentes des consommateurs, qui privilégiaient des appareils multifonctionnels et innovants.
Innovation et R&D
Malgré des investissements massifs en recherche et développement, Nokia n’a pas produit d’innovations suffisamment disruptives pour rivaliser avec les nouveaux acteurs. L’intégration et la commercialisation des nouvelles technologies étaient trop lentes pour suivre le rythme du marché.
Gestion proactive des enjeux sensibles
Une approche proactive aurait permis à Nokia de mieux intégrer les nouvelles technologies et d’accélérer ses cycles d’innovation. La collaboration avec des startups et une organisation plus agile auraient renforcé sa capacité à rester compétitive.
Culture et gestion du changement
La culture interne de Nokia, bien que forte, manquait de flexibilité face aux transformations. La lenteur des processus décisionnels et une certaine rigidité organisationnelle ont limité sa capacité d’adaptation.
Leçon clé
Pour maintenir sa position, Nokia aurait dû promouvoir une culture d’agilité, réduire la bureaucratie et favoriser l’expérimentation. Une telle stratégie aurait permis une meilleure anticipation des tendances et une adaptation rapide aux opportunités émergentes, éléments essentiels pour la résilience d’une organisation.
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