Que signifie « bien gérer une situation de crise »?
- La direction
- il y a 21 heures
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Nous sommes entrés dans un monde caractérisé par ce que nous pourrions intituler un état de permacrise et d’impermanence. « Permacrise », car les conséquences des crises passées ne sont pas toutes résolues et s’ajoutent encore à celles des crises actuelles. « Impermanence », car quoi que nous fassions, tout peut basculer d’une seconde à l’autre.

Cet état génère des crises de natures variées nécessitant la mobilisation plus ou moins conséquente d’organisations spécialisées et, en particulier, d’une cellule de crise.
Si tous les experts dans le domaine ont sans doute une définition personnelle du rôle d’une cellule de crise, la question qui mérite d’être posée et à laquelle une réponse est attendue est la suivante :
que signifie « bien gérer une situation de crise »?
Se limiter à dire, et même si c’est une réalité, que la gestion de crise parfaite n’existe pas ne suffit plus devant des organisations qui font face à des situations de plus en plus sévères et diverses.
Quelle est donc cette ligne directrice à suivre pour tenter d’atteindre le stade d’une gestion de crise la plus efficace possible?
Comme pour toute chose et pour éviter de tomber dans le piège des dogmes trop souvent présents dans les périodes d’incertitudes, il nous faut revenir à la définition fondamentale et universelle de la gestion de crise :
la gestion de crise est une posture dérogatoire dont le but est, à partir de faits confirmés, de gérer des conséquences (personnes, activités, image, responsabilités, environnement, finances) et les attentes des parties prenantes (impliquées, touchées et à informer) par la mise en œuvre successive et adaptée de plans d’action.
En d’autres mots, ce qui est attendu est la création d’un modèle de réponse qui n’existe pas.
Mais comment apprendre à créer un nouveau modèle de réponse à une équipe dont le métier quotidien n’est pas de gérer une crise (c’est le cas dans la quasi-totalité des entreprises) et dans un contexte où la pression sera permanente?
L’être humain ne naît jamais gestionnaire de crise.
Il apprend de ses erreurs et le devient.
Pour apprendre à créer ce nouveau modèle de réponse, trois points essentiels (au moins) doivent attirer notre attention dès le temps de paix.
Premier point : la formation à la gestion de crise
Il est important de dire que nous ne pouvons pas former une équipe de gestion de crise en seulement trois heures, comme c’est malheureusement souvent la règle.
Apprendre à créer un nouveau modèle de réponse prend un peu plus de temps. Celui-ci est nécessaire pour revenir sur ce qui est attendu.
En d’autres mots, répondre à la question vitale : « Qu’est-ce que l’on attend de nous? » (et pas seulement « Que dois-je faire? »).
La gestion de crise est un art subtil où les conséquences (donc les principaux risques) se gèrent tout en prenant en compte les demandes des parties prenantes.
C’est cette combinaison qui donne naissance à un plan d’action, mis en œuvre, adapté et corrigé en fonction de l’évolution de la situation. C’est ce que l’on nomme le pilotage de crise, car tout cela n’est pas toujours inné.
L’être humain ne naît jamais gestionnaire de crise. Il apprend de ses erreurs et le devient.
Deuxième point : les exercices de crise
Quel est l’objectif de l’exercice de crise? Mettre l’équipe de crise sous l’eau par un exercice « machine à laver » ou faire travailler l’équipe selon les fondamentaux abordés lors des actions de formation?
Le débat est lancé où deux écoles s’opposent.
Il convient de se rappeler que la plupart des cellules de crise mobilisées lors des exercices sont composées de personnes dont le métier n’est pas de gérer des crises; tout au mieux, elles gèrent des risques.
Bien gérer une crise consiste tout d’abord à apprendre ce que je dois faire au sein de ma cellule pour m’assurer d’apporter une réponse en adéquation avec la réalité de l’événement.
En répétant l’utilisation d’une méthode éprouvée, les équipes prennent petit à petit leurs repères et les appliqueront par réflexe le jour J malgré les effets du stress et des émotions.
Dernier point : le retour d’expérience
Ce point est généralement celui qui est le plus souvent sous-estimé et volontairement mis de côté. « Nous sommes trop occupés à être occupés pour tirer un réel bénéfice de cette crise et de la manière dont nous l’avons gérée. »
C’est pourtant une étape essentielle de l’apprentissage et de l’amélioration de nos capacités individuelles, collectives, organisationnelles et techniques. C’est aussi le moment où la réponse apportée est analysée sous toutes ses coutures.
L’objectif n’est pas de chercher des coupables ou de chercher à fuir ses responsabilités. Le temps est venu de se poser la question afin de savoir si le modèle de réponse apportée peut être réutilisé et repris dans les plans de gestion de risques lorsque le scénario vécu réapparaîtra.
Il y a toujours du bon dans ce qui a été fait en cellule de crise et c’est sur cette fondation qu’il faut s’appuyer pour corriger les difficultés rencontrées et les erreurs commises.
Bien gérer une crise revient donc à dire que le modèle de réponse mis en œuvre pendant cette période d’incertitudes est totalement ou en grande partie réutilisable pour gérer, dans un plan de gestion de risques, la prochaine apparition du scénario rencontré.
La condition sine qua non pour atteindre cet objectif passe inéluctablement par des actions de formation. À posture dérogatoire, formation et actions pédagogiques dérogatoires.
Apprendre une fois pour toutes aux équipes de gestion de crise ce que l’on attend d’elles pour qu’elles puissent s’entraîner lors d’exercices calibrés.
Avec un seul objectif en tête : être en mesure le jour J de créer ce modèle de réponse qui n’existe pas. Sans jamais oublier que l’être humain n’est pas un gestionnaire de crise né. Il le devient en apprenant souvent à son corps défendant.
Article rédigé par Lilian Laugerat
Lilian Laugerat, expert en sûreté et en gestion de crise. Il dirige le cabinet de conseils SOLACE, spécialisé dans l’analyse des risques sûreté et la posture de gestion de crise. Solace est une entité de Cecys Group, filiale du Groupe Goron.
Pour en savoir plus : https://www.linkedin.com/in/lilian-laugerat-0572421b/
COMPLÉMENT : 5 CLÉS POUR BIEN GÉRER UNE CRISE
Formation approfondie : une formation complète est essentielle pour équiper les équipes avec les compétences nécessaires à la gestion efficace des crises. Il est crucial d'aller au-delà des sessions de formation basiques pour développer une compréhension profonde des stratégies de réponse aux crises.
Exercices pratiques : la mise en pratique à travers des exercices de crise réalistes est indispensable. Ces exercices aident les équipes à se familiariser avec les procédures d'urgence, renforçant leur capacité à réagir efficacement sous pression.
Analyse post-crise (retour d'expérience) : évaluer les actions prises pendant la crise permet d'identifier les succès et les points à améliorer. Ce processus d'apprentissage continu est vital pour affiner les stratégies de gestion de crise.
Adaptabilité et réactivité : la capacité à adapter et ajuster les plans d'action en fonction de l'évolution de la situation est un aspect clé. Le pilotage de crise efficace implique de réagir rapidement tout en tenant compte des besoins des parties prenantes.
Développement de nouveaux modèles de réponse : chaque crise est unique, et il est essentiel de savoir concevoir des modèles de réponse adaptés. Cela nécessite créativité et innovation, surtout dans des organisations où la gestion de crise n'est pas une activité quotidienne.