L’espionnage industriel dans une PME? Ce n’est pas du cinéma!

« Chez nous? Au Québec? Dans nos PME?

Ben voyons, l’espionnage industriel, ça ne frappe que les grands groupes et les États! »

Si c’est ce que vous pensez, alors c’est vous qui êtes dans la fiction, et la réalité va vous stupéfier.

L’espionnage industriel dans une PME? Ce n’est pas du cinéma!

Stéphane ne comprend pas. Son entreprise métallurgique, qui fabrique des plateformes modulaires innovantes et réputées pour des camions semi-remorques, perd tous les appels d’offres depuis un an.

Et aujourd’hui, c’est le contrat TYT qui lui échappe! LE contrat de l’année, négocié depuis 2022.

Stéphane ne pouvait pas penser à de l’espionnage industriel. Pourquoi l’aurait-il fait? Il n’est pas dans l’industrie de l’armement, ni dans l’informatique quantique, ni dans l’aéronautique ou le pharmaceutique.

Stéphane est dans le métal! Des systèmes de remorques de camions, 50 employés. Il vend au Canada et aux États-Unis, un peu au Mexique. Stéphane, ce n’est pas dans l’univers habituel de l’espionnage, n’est-ce pas?

Et pourtant, avant de vous révéler la fin de sa mésaventure, voici une introduction à la réalité du monde de l’espionnage industriel.

Comment compromettre un employé clé afin qu’il livre des secrets stratégiques? C’est le MICE :

• Money : vulnérabilité financière en raison d’un divorce, d’un prêt hypothécaire alourdi, de changements de vie, etc.

• Idéologie : vulnérabilité à l’influence d’un groupe militant.

• Chantage : vulnérabilité… eh bien, le mot dit tout.

• Ego : vulnérabilité de l’employé incompris qui cherche sa revanche.

Et ce n’est pas de la fiction,

car parmi vos compétiteurs se trouvent

des personnes très déterminées.

Voici quatre exemples issus de nos enquêtes :

• M - Money : un agent courtier en fret aérien et maritime, surendetté (casino), qui transmet les dossiers clients au concurrent en échange d’argent.

• I - Idéologie : une employée (militante de la cause animale) travaillant pour un fabricant de vêtements (quelques fibres animales) qui transmet tous les plans stratégiques au compétiteur qui, lui, assurait n’utiliser que des fibres synthétiques.

• C - Chantage : ce super vendeur d’une start-up en TI qui s’est « laissé aller » un soir à Las Vegas après un salon d’exposition et, malheureusement, un concurrent a « documenté sa nuit de détente ». « Eh bien non, Jimmy, la majorité n’est pas partout à 18 ans aux États-Unis. Es-tu sûr que la fille avait bien 21 ans? Les photos… on va les garder un petit moment. »

• E - Ego : et c’est ici que nous retrouvons l’entreprise de Stéphane et ce superviseur de production, 22 ans d’ancienneté, qui connaît tous les secrets de fabrication dans l’usine de Stéphane.

Le pilier de l’entreprise, qui n’a jamais accepté l’arrogance des deux jeunes ingénieurs stagiaires devenus ses supérieurs. Il s’est laissé facilement convaincre par le concurrent ontarien de lui transférer à l’avance les réponses aux appels d’offres.

Pas besoin de le payer, il suffisait de le flatter.

L’espionnage industriel est un terme mal compris. Il semble associé à ce qui n’arrive qu’aux autres ou à des histoires complexes concernant les offensives économiques d’un pays lointain.

Alors, remplaçons le mot

« espionnage par « déloyauté »

et, soudainement, cela

paraît plus proche et plus réel.

Le dénouement?

Il passe par la suppression du déni. L’espionnage industriel ou l’espionnage en affaires est monnaie courante. Nos derniers clients à ce sujet sont des PME dans le secteur de la santé – pas même des industries, mais des PME de service.

Voici l’acronyme PADA pour répondre à MICE :

• Perception : si votre concurrent semble connaître vos prix, vos clients, vos projets… c’est qu’il les connaît.

• Analyse : est-ce qu’il y a d’autres explications que la déloyauté?

• Décision : faites une enquête, idéalement menée par une ressource externe, car la cyberenquête ou simplement la filature, la contre-manipulation, les entrevues et les interrogatoires, c’est technique et c’est encadré légalement. Seule une agence d’enquête sera à la fois efficace et légale.

• Action : si des faits sont établis et prouvés par une enquête, des avocats et des relationnistes sont nécessaires pour non seulement faire face à la crise, mais aussi pour la transformer en victoire, car l’espionnage industriel, c’est comme l’amour, ce n’est pas obligé de finir mal.

Je ne peux pas vous révéler le nom de l’entreprise de Stéphane (j’ai modifié un peu son secteur d’activité pour l’article), mais vous devinez que son PADA a fonctionné et qu’une enquête lui a été fort utile.

L’acronyme MICE vient du monde du renseignement et se réfère aux techniques de manipulation d’une source. L’acronyme PADA vient de la police (Sûreté du Québec) et se réfère à son protocole d’intervention.

Et, en effet, notre agence regroupe des retraités de ces deux services avec de jeunes hackers éthiques, des cyberdétectives (et quelques IA spécialisées).

Tous sont familiers avec les crises, alors ils savent aussi que le pire n’est jamais certain… mais que cela vaut la peine de vérifier et d’enquêter.

L’espionnage industriel ou en affaires semble souvent associé aux cybermenaces, aux pirates, et c’est vrai jusqu’à un certain point. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous employons des cyberenquêteurs.

Mais le mot clé demeure la vulnérabilité humaine, qui permet la manipulation. Cela reste un facteur humain, et c’est sans doute ce qui rapproche l’espionnage en affaires de l’espionnage étatique.

James Bond ne franchira pas les portes de votre entreprise, et, s’il le fait, il ne sera pas dangereux car, lui, au moins, il se nomme spontanément : « My name is Bond. »

Donc, la réalité est effectivement plus sournoise que la fiction.

Article rédigé par Philippe Chevalier

Philippe Chevalier, détective en affaires d’entreprise : enquêtes de déloyauté, fraudes; enquêtes sur des associés, contre-espionnage industriel; cyberenquête de réputation augmentée par l’IA.

Pour en savoir plus : https://www.linkedin.com/in/philippe-chevalier

---

COMLÉMENT : DEUX RÉFLEXIONS POUR ÊTRE MOINS VULNÉRABLES

1 - La première est vraiment simple et ne demande aucun investissement, ni en matériel ni en temps.

• Pour protéger vos informations stratégiques, demandezvous quelle est la distinction utile entre le droit de savoir et le besoin de savoir. Bien des affaires d’espionnage ou de déloyauté ont causé du dégât, car la mauvaise faire sortir de l’entreprise.
  

• C’est un peu contre-intuitif quand tout le monde vous dit de ne pas travailler en vase clos, mais prenons le cas de l’entreprise Dyson, qui avait le prototype de la voiture électrique à grande autonomie (les batteries performantes, elle connaît ça). Il a suffi de quelques chercheurs invités de l’université de Cambridge pendant trois semaines pour que les secrets du prototype s’envolent.

2 - Notre bonne surprise cette année fut de former des ingénieurs et des gestionnaires à voir venir et à anticiper les méthodes de manipulation hostiles lors de congrès, de salons d’exposition et de voyages ou simplement dans le quartier où se trouvent les bureaux.

• Je vous donne un truc : ce ne sont jamais les questions qui sont indiscrètes, ce sont vos réponses.
  

• Il y a les questions logiques de la part d’un client potentiel inconnu et celles qui sont intrusives. Vous n’êtes jamais obligé d’y répondre.