Perdre 50 % de son effectif sur plusieurs mois
- La direction
- 17 mai
- 8 min de lecture
J’ai longtemps hésité avant d’écrire cet article, partagé entre la pudeur et le devoir de partager mon expérience lorsque mon cerveau a dit STOP!

Pour les personnes qui me connaissent depuis déjà un certain temps, vous savez à quel point je suis hyperactif et boulimique de travail. Ma passion pour mon métier m’a conduit à travailler intensément, souvent plus de 14 heures par jour, 7 jours sur 7.
Plus on est passionné, plus on développe son entreprise; plus on développe son entreprise, plus on est visible; et plus on est visible, plus les nouveaux contrats abondent.
À mesure que de nouveaux mandats affluent, nous cherchons à les intégrer tous dans nos journées, ce qui allonge notre temps de travail et réduit notre temps de repos et de récupération. Cette frénésie mène à un cercle vertueux, mais aussi vicieux.
À force de trop en faire, mon corps, mon mental ont commencé à envoyer de légers signaux. Mais je ne les écoutais pas, grisé par tous ces nouveaux mandats qui nous étaient confiés.
Alors de nouveaux signes sont arrivés, de plus en plus insistants et, surtout, de plus en plus handicapants. Les membres de mon entourage ont remarqué des changements : mon humeur changeante, ma baisse de concentration, etc.
Ils m’ont encouragé à lever le pied, à me reposer… Et moi, comme j’étais dans ma bulle, je répondais :
« Mais non! Tout va bien, vous vous faites des idées! » ou pire « Je me reposerai quand je serai mort! ».
Cette dernière expression est, avec le recul, vraiment très stupide et ridicule!
Puis, un matin, je me suis réveillé, fatigué, vide, sans aucune volonté ni aucune énergie. J’étais juste bon à regarder le plafond, qui avait la même couleur que mes pensées. Il me restait seulement mon cerveau reptilien, qui me rappelait qu’il faut respirer.
Tout le reste était à l’arrêt! Un immense vide, dans lequel tu tournes sans fin, juste le vide, le noir.
Dans des moments de lucidité, je me disais « GO! Bouge-toi, tu as une compagnie à faire tourner. Tu as des livrables à produire, des offres de service à envoyer ». Puis je retombais dans mon gouffre, encore plus profondément, me sentant totalement incapable, inutile, comme une pile vide.
Les heures passaient, la culpabilité présente me passait en boucle dans ma tête, les paroles de bienveillance et d’avertissement de mon entourage, qui avait vu le mur que j’allais me prendre.
Ce n’est que plus tard, lors d’une séance avec mon thérapeute, que je suis sorti de mon déni et que j’ai accepté le terme de burn-out ou épuisement professionnel. Terme que j’avais toujours refusé d’admettre.
« Qui veut aller loin
ménage sa monture.»
Proverbe français
Bref ça ne va pas bien, je viens de faire perdre 50 % de l’effectif de la boite! Je peux m’en prendre qu’à moi-même, car je suis 100 % responsable de cette situation et il va y en avoir pour un bout de temps.
Dans tous les cas, il va falloir quand même faire le boulot et livrer ce que l’on doit livrer dans les meilleurs délais.
Et maintenant on fait quoi?
Notre entreprise est toute petite (deux personnes).
À nous deux, on effectue le travail de quatre personnes. Alors lorsqu’une entreprise perd 50 % de son effectif, on a un gros problème!
Heureusement, notre business est de rendre les entreprises plus résilientes. On a de la chance dans notre mésaventure!
Très rapidement, sans panique, nous avons mis en pratique ce que nous prônons pour nos clients.
1- Lister et prioriser les activités et les mandats à maintenir impérativement, en nous basant sur les dates des livrables et nos obligations contractuelles et légales.
Donc, un bon vieux tableau Excel avec trois colonnes : « Activités/Mandat », « Maintenir et reporter », « Impacts ».
Lors de ce travail, nous avons dû réaliser les actions suivantes :
Évaluer ce que j’étais en mesure de réaliser compte tenu de mon état. Je suis passé de 14 h par jour à 14 h par semaine. Oups ça fait mal! Mon égo n’était pas content, mais moi oui.😉
Reporter ma charge de travail sur mon associée. Et faire attention de ne pas la surcharger. On a stoppé dans ces dossiers, tout ce qui n’avait pas de plus-value immédiate.
Réorganiser nos agendas en conséquence. Surtout celui de mon associé qui a pris mes mandats les plus critiques.
Prendre des décisions qui, forcément, allaient avoir des répercussions sur nos finances et notre image. Il a fallu l’accepter.
Une fois cette liste faite et les décisions prises, nous avons communiqué avec nos clients et partenaires, pour valider cette nouvelle planification.
2- Communiquer avec nos clients et partenaires. La transparence fait partie de nos valeurs, alors nous avons fait part de notre situation à l’ensemble de nos clients.
Nous avons proposé de revoir les planifications et de reporter certains mandats de conseil, tout en maintenant les exercices et les simulations qui eux avaient des dates fixées à l’avance que l’on ne pouvait pas reporter.
Pour les formations, certaines ont été reportées d’autre ont été annulées, et les prestations de service ont vu leur début repoussé.
3- Assurer les activités et les mandats. Bien, il n’y a pas de secret, mon associée a dû me remplacer sur mes mandats au mieux de ses capacités.
Et ce que mon associée ne pouvait faire, parce que c’était trop spécifique, il a fallu que je me bouge pour le faire.
Pour cela, j’ai dû accepter de le faire à mon rythme (de toute façon je n’avais pas le choix) pour maintenir notre niveau de qualité.
4- Optimiser nos processus et nos méthodes de travail. Nous avons profité de cette période pour optimiser nos processus et nos méthodes de travail, notamment sur le plan administratif.
5- Décliner ou reporter de nouveaux mandats, prendre contact pour assurer ceux en cours.
Nous avons un standard de qualité de services très élevé.
Nous avons préféré, afin d’assurer ce niveau de qualité auprès de nos clients actuels, décliner ou reporter des mandats à venir. Ce point est particulièrement difficile à accepter, d’autant plus que nous avons de plus en plus de demandes d’intervention.
Cela nous obligera à revoir notre modèle d’affaires pour la suite.
6- Chercher de l’aide pour les volets administration et formation. Lorsque l’on perd 50 % de l’effectif de son entreprise, cela nécessite de se recentrer sur le cœur de ses activités.
Donc, tout ce qui n’a pas une plus-value opérationnelle, nous l’avons stoppé ou sous-traité à des tiers de confiances.
Je tiens à remercier l’ensemble de nos clients et partenaires,
car ils nous ont tous soutenus
et ont accepté les reports de livrables
ou de débuts de mandat.
Les leçons apprises
La vie vous fait des cadeaux, même si cela n’est pas toujours évident. Alors voici ce que j’ai appris de cette expérience.
1- Les signaux faibles. J’ai ignoré les signes de mon corps et de mon esprit, ainsi que les avertissements de mon entourage. J’étais en plein déni.
Je ne connaissais pas les signes avant-coureurs d’un burn-out (pour ceux qui ne les connaissent pas, lisez le complément).
Désormais, chaque semaine, mon associée et moi, nous faisons un point spécifique sur notre état.
2- Seul, on va vite; à plusieurs, on va plus loin. L’importance d’être au minimum deux dans notre entreprise nous a permis de maintenir nos activités.
Mon associée et moi partageons 80 % des compétences et des connaissances, ce qui nous a permis de maintenir immédiatement les mandats critiques.
Parmi les 20 % d’écart, 15 % ont été sous-traités ou alors reportés, et les 5 % restants, je m’en suis occupé tranquillement.
3- La solidarité de nos clients. Nos clients nous ont soutenus durant cette période difficile et ont accepté les reports de débuts de mandat ou de livrables.
Nous avons un très haut niveau de qualité et de proximité avec nos clients. Nous prenons le temps de bien les accompagner avant, pendant et après nos interventions.
J’aime à croire que cela a aidé dans leurs choix de nous soutenir et de maintenir nos mandats avec eux.
4- Savoir dire non. Nous avons de plus en plus de demandes, mais pas assez de bras! Même en étant un bourreau de travail, les journées n’ont que 24 h.
Nous allons nous recentrer sur les activités qui nous passionnent le plus. Afin de répondre aux demandes de nos clients, nous allons nous restructurer afin de transmettre ces demandes à des partenaires de confiance qui ont les mêmes valeurs que nous.
5- Prendre soin de soi. Un entrepreneur résilient accorde de l’importance à son bien-être personnel.
Il prend du temps pour des activités qui lui plaisent, que ce soit le sport, les loisirs créatifs ou la lecture, ou simplement pour passer du temps avec la famille et les amis.
Ces moments de détente sont essentiels pour recharger ses batteries mentales et émotionnelles.
En conclusion :
Cette période difficile a commencé en juin 2023, atteignant son paroxysme en août et septembre (période zombie). Octobre et novembre ont également été éprouvant, marqué par le décès de ma mère. La fameuse loi des séries…
Au moment où j’écris ces lignes, nous avons repris un rythme normal et préparer 2024. Nous avons adapté notre offre de service, pour nous recentrés sur ce que nous aimions faire le plus et nous avons aussi monter des partenariats de confiances pour transmettre ce que nous ne ferons plus.
Je tiens aussi à remercier particulièrement dans ces lignes:
mon associée qui est aussi mon épouse et qui a permis de maintenir à flot notre entreprise durant cette période chaotique. Un immense merci Karine💖;
notre coach d’affaire, Olivier Caré, d’Actions Coach qui nous a soutenue tout au long de ces mois difficiles.
Avec cet événement, j’ai énormément appris, aussi bien sur moi que sur l’importance de déléguer et de me reposer sur des personnes de confiance.
J’espère que ces lignes vous aideront dans votre prise de conscience sur l’importance de faire attention à vous, car il en va de la survie de votre entreprise et plus encore de vous et de votre entourage.
Et parce que je suis un entrepreneur dans l’âme et que, maintenant, j’ai intégré une nouvelle compétence, je vous propose de faire le point avec vous sur votre propre résilience en tant qu’entrepreneur. Au besoin, contactez-moi. 😉
Article rédigé par Alexandre Fournier
Alexandre Fournier, Consultant, formateur et conférencier dans les domaines de la continuité des affaires et de la gestion de crise depuis 30 ans.
Pour en savoir plus : https://www.linkedin.com/in/alexandre-fournier-1363125/
COMPLÉMENTS
10 SIGNES AVANT-COUREUR DU BURNOUT : SOYEZ VIGILENT i
Fatigue persistante : un épuisement qui ne disparaît pas, même avec du repos.
Troubles du sommeil : difficultés à s'endormir, réveils nocturnes, insomnies.
Difficultés à se concentrer : problèmes de mémoire, erreurs inhabituelles, baisse de confiance en soi.
Cynisme ou attitudes distantes : désengagement émotionnel, attitudes négatives envers le travail et les collègues.
Changements comportementaux : augmentation de la consommation de substances, isolement, pessimisme.
Symptômes physiques : douleurs musculaires, migraines, symptômes physiques variés.
Sentiment de perte de contrôle : se sentir débordé, incapable de suivre les missions.
Dévalorisation des compétences professionnelles : doute sur ses compétences, baisse de l'estime de soi.
Troubles du comportement alimentaire : changements dans les habitudes alimentaires.
Inactivité brutale : perte soudaine de motivation, difficulté à effectuer des tâches simples.
LISTES DE SITES UTILES SUR CE SUJET
Mon Burnout A Moi : monburnoutamoi.fr
Welcome to the Jungle : welcometothejungle.com
La Clinique E-Santé : la-clinique-e-sante.com
Hello Workplace : helloworkplace.fr
Dynamique Mag : dynamique-mag.com
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