Pourquoi procrastine-t-on lorsqu’il s’agit de structurer notre gestion de crise?
- La direction
- 17 mai
- 5 min de lecture
Vous qui lisez ces lignes le savez : le monde, en évolution majeure depuis quelques années, nous impose des crises de plus en plus intenses et aux conséquences de plus en plus importantes.
Malgré cela, et pour ne prendre que l’exemple des attaques cyber en augmentation constante et avec des statistiques affolantes, bien des entreprises peinent encore à mettre la structuration de leur gestion de crise au sommet de leurs priorités.
Et pourtant, il ne s’agit statistiquement plus de savoir si une crise majeure va survenir, mais quand ce sera le cas…

Plusieurs causes, un seul résultat
La procrastination est une lutte interne, résultat d’une pensée rationnelle non alignée sur une envie viscérale.
« Je sais qu’il faudrait que je commence cette tâche, mais je n’en ai pas envie. »
Et une envie, elle est là où elle ne l’est pas, mais ma tête n’a aucun pouvoir dessus. Je peux me forcer à faire, mais en aucun cas je ne peux me forcer à avoir envie.
Alors vous allez me dire : « Anne, on s’éloigne un peu du sujet. » Eh bien… pas vraiment.
Si je procrastine quand vient le temps de structurer la gestion de crise de mon entreprise, alors même que je comprends tout à fait rationnellement l’intérêt stratégique de le faire, c’est que cette bataille est en place.
Le corps a ses raisons que la tête ignore, et si, dans certains cas, il est bien plus malin qu’elle, on peut avoir des doutes ici.
Il suffit de lire les statistiques : sur un an, 78 % des entreprises canadiennes ont déjà été victimes d’une cyberattaque réussie et plus de 70 % ont subi l’attaque d’un rançongiciel. Faire l’autruche en jouant à la roulette russe avec une seule balle manquante dans le barillet n’est visiblement pas la meilleure option.
Alors pourquoi les entreprises continuent-elles à négliger la structuration de leur gestion de crise?
Pourquoi l’envie, l’impulsion n’y est-elle pas?
Notre cerveau
Nous sommes faits de cinq instincts fondamentaux : manger, nous reproduire, gagner du statut social, nous informer et faire le moins d’effort possible.
Chaque fois que nous satisfaisons un de ces cinq besoins, nous prenons une dose de dopamine, l’hormone du plaisir.
Cela déclenche des émotions qui nous mettent au présent, mais nous limitent aussi pour prendre en compte des risques plus lointains dans le temps, car nous ne les ressentons pas émotionnellement.
Et on n’intègre réellement un risque que parce qu’il est lié à une émotion.
C’est avec ce même mécanisme que je sais que fumer risque de me tuer, mais que je fume quand même, ou que nous n’arrivons pas collectivement à enrayer le réchauffement climatique.
Notre cerveau est programmé pour assurer notre survie au présent; pour le reste, il gérera quand on y sera.
« Faire l’autruche en
jouant à la roulette russe
avec une seule balle manquante dans le barillet
n’est visiblement pas la meilleure option. »
Cela peut sembler trop énorme
Évaluation des risques, plans de continuité d’activité, remise à jour de toutes les strates de process (souvent mises en place depuis des années et dont on a même parfois perdu le sens et l’origine), guide personnalisé, formations aux médias, « sourcing » de prestataires pour la réponse à l’incident…
La gestion de crise est un métier et ce n’est souvent pas le vôtre, ce qui peut être décourageant lorsqu’on voit la montagne d’éléments non maîtrisés que l’on va devoir étudier pour être prêts.
Le budget
Structurer sa gestion de crise demande souvent d’aller chercher une expertise à l’extérieur, soit des consultants, qui représentent un budget pour les entreprises : la compétence a un coût. (L’incompétence encore plus si vous voulez mon avis, surtout en gestion de crise.)
La ressource humaine à affecter au sujet
Les collaborateurs sont souvent en flux tendu. Trouver dans l’équipe quelqu’un qui repoussera ses tâches pour faire de la gestion de crise une priorité n’est pas si aisé.
La survie
Priorité absolue : faire rentrer l’argent. Sans cela, plus rien ne fonctionne, bien sûr, et, parfois, entre nous préserver d’un futur catastrophique mais hypothétique ou investir dans ce qui va rapporter tout de suite et nous permettra d’être encore là dans trois mois, le choix est vite fait.
Nous gérons le risque qui nous semble le plus proche dans le temps.
Oui, mais une crise majeure peut arriver demain ou dans une heure et nous heurter au point de mettre la clé sous la porte, et, ça, nous le savons bien, alors…
Comment arrêter de procrastiner et enfin mettre son entreprise à l’abri?
Exercer son influence : une décision au sommet
Le rôle du dirigeant est d’anticiper les risques et d’avoir des coups d’avance. Aborder l’enjeu de la gestion de crise ne peut dépendre que de la volonté du dirigeant, seul décisionnaire final des nouvelles stratégies de son entreprise.
Si ce n’est pas sa volonté, il y aura toujours plus urgent à traiter; si cela le devient, tout le monde suivra.
Arrêter d’attendre que les mentalités changent pour mettre les solutions en place…
… mais mettre les solutions en place pour que les mentalités changent.
Comme la ceinture à l’arrière des voitures ou la sécurité incendie au sein des entreprises, la conscience du danger s’éduque. Avoir un processus de gestion de crise deviendra une évidence après sa mise en place, pas avant.
Cesser de croire en la toute-puissance de la réponse technique.
Dans le cas précis de la crise cyber, on pense souvent qu’avoir une réponse technique nous mettra à l’abri, voire qu’avoir mis en place une solution technique en amont nous évitera totalement d’être attaqués.
Et s’il est évidemment primordial d’avoir un bon prestataire pour se sécuriser, que ce soit dit une bonne fois pour toutes, les acteurs techniques ne gèrent… que la technique. Et c’est bien normal, le reste n’est pas leur expertise. Or, le temps de traitement de la crise nous oblige à gérer aussi l’humain, quoi qu’il arrive.
Prise de décision, production en dégradé, communication interne et externe, réponse aux médias, négociation avec les hackers, etc.
Êtes-vous réellement prêts pour ce jour où la technique ne suffira plus?
Couper la tâche en petits morceaux.
Lorsqu’on prend le sujet à bras le corps, on peut avoir l’impression qu’il est trop immense à traiter dans tout son spectre. Le plus petit des pas que vous ferez sera toujours un pas de plus que ce qui existait avant. Pas de pression, répartissez la tâche sur le temps nécessaire. Mieux vaut faire un petit pas en avant que de faire du surplace.
Et enfin, se faire accompagner.
Et pour cela, entourez-vous bien. Choisissez un acteur expert avec qui vous vous sentez à l’aise.
À 2 h du matin, en crise depuis trois jours et devant un café froid, si la confiance et la relation sont là, je vous assure par expérience que cela fera toute la différence!
À l’heure où le monde nous demande d’anticiper toujours plus les risques et d’être de plus en plus agiles sous peine de disparaître, structurer sa gestion de crise devient un enjeu majeur pour les entreprises.
Budget, ressources humaines, pression du marché, ampleur de la tâche… Comme tous les grands projets de nos vies, l’exact bon moment n’existe pas : si on attend qu’absolument tout soit parfait et aligné pour faire un enfant, acheter une maison ou lancer son entreprise, on ne le fera jamais.
Prendre en main sa gestion de crise dépend des mêmes mécanismes et, si avoir conscience de la nécessité de se mettre en sécurité est un premier pas important, les suivants, faits d’une réelle volonté et d’actions, seront la condition sine qua non pour l’être vraiment.
Article rédigé par Anne-Gervaise Vendange
Anne-Gervaise Vendange, experte en profilage, en influence, en gestion et en communication de crise.Co-fondatrice de In-Cognita. Après avoir accompagné des milliers de personnes en crise personnelle, elle crée en 2021 In-Cognita, pour déployer son savoir-faire à plus grande échelle. Pour en savoir plus : https://www.linkedin.com/in/annegervaisevendange/
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