top of page

Réputation d’entreprise, ce capital invisible

La réputation d’une entreprise n’est ni une simple image ni un reflet passif de ses actions.



Force active, récit en perpétuelle réécriture, elle représente avant tout un capital symbolique qui se nourrit des perceptions, des émotions et des récits médiatiques.


À l’ère de l’« algorithmocratie », la réputation est devenue un enjeu de survie.


Tour à tour un bouclier, puis une épée, nous voudrions prétendre qu’elle peut et doit devenir une arme de construction massive.


La guerre économique se joue aussi par les enjeux réputationnels. Performance et crédibilité ne sauraient en être les seuls indicateurs de performance.


Pour gagner sur le théâtre des opérations de la performance, la réputation s’institue comme une monnaie d’échange, une valeur refuge, un actif immatériel qui pèse parfois plus lourd que les bilans comptables.


Dans ce contexte, chaque rumeur, chaque crise et son moment de résilience seront scrutés, amplifiés ou déformés, faisant de la réputation à la fois un atout et une vulnérabilité. 


Elle est un phénomène profondément médiatique, c’est-à-dire qu’elle se joue dans l’espace public, dans les flux d’informations, dans les réseaux sociaux, dans les conversations.


Enfin la réputation fascine et échappe, en ce qu’elle est le produit d’une alchimie complexe entre ce que l’entreprise dit, ce qu’elle fait, et ce que les autres en disent et ce qu’ils en font.



Réputation sous tension


25 % de la valeur d’une entreprise repose sur sa réputation, selon une étude du Forum économique mondial de 2012. Et ça, c’est en temps normal.


Ce chiffre ne rend pas compte de l’impact dévastateur d’une crise mal gérée. Car la réputation est un capital fragile, invisible jusqu’au surgissement de la crise, une construction lente et minutieuse qui peut s’effondrer en quelques heures. 


Prenez l’exemple de Volkswagen(1) et son scandale du Dieselgate en 2015. En quelques jours, le géant automobile a vu sa valeur boursière chuter de manière vertigineuse, son image écornée par une fraude massive sur les émissions polluantes. Le récit de l’entreprise, autrefois synonyme d’innovation et de qualité, s’est transformé en celui de la tromperie et de l’irresponsabilité.


De même, Sony Pictures(2) en 2014, victime d’un piratage massif, a vu des données sensibles exposées au grand jour, entachant durablement son image.


Ou encore Equifax(3) en 2017, dont la fuite de données a affecté 148 millions de consommateurs, ébranlant la confiance de ses clients et partenaires.


La réputation n’est pas

un état statique; elle est un processus dynamique, qui exige une attention constante et une adaptation permanente.

Timothy Mirthil 


Plus récemment, Vertbaudet a été secoué par une crise sociale en 2023, avec l’occupation de son entrepôt de Marquette-lez-Lille dans le nord de la France par 72 grévistes pendant plus de deux mois.


Cette crise a mis en lumière des tensions internes et a précipité la chute de son image, rappelant que la réputation ne se joue pas seulement sur le terrain médiatique, mais aussi dans les relations sociales et humaines.



Une affaire de leadership et de récit


Mais attention à ne pas reléguer la gestion de la réputation aux seuls départements de communication ou de relations publiques.


Elle est avant tout une question de leadership, de vision stratégique et de gouvernance.

Les dirigeants doivent incarner ce récit, en être les gardiens et les artisans. Et, en Occident c’est une étape trop souvent négligée.


En cas de crise, c’est au sommet

de l’entreprise que les décisions

doivent être prises.


Une communication maladroite, un silence prolongé, ou une réponse inadaptée peuvent aggraver la situation.


À l’inverse, une gestion proactive, transparente (mais pas totale, il s'agit de préserver certaines informations stratégiques) et empathique peut transformer une crise en opportunité, renforçant la confiance des parties prenantes. 


Nous évoquons là la nécessité d’une action du quotidien, dans les actions, les décisions, les valeurs que l’entreprise incarne.


L’enjeu réputationnel est le fruit d’une culture d’entreprise, d’une éthique, d’un engagement envers ses employés, ses clients, ses partenaires et la société dans son ensemble.


Bref, si la réputation n’a jamais été pensée en amont, lors de la crise, elle échappe.



Anticiper, gérer, interpréter, réformer


Protéger la réputation d’une entreprise exige une approche structurée, articulée autour de quatre piliers fondamentaux : Anticiper, gérer, interpréter, réformer.


Ces étapes pensées comme un cadre de travail forment un cycle stratégique qui permet non seulement de prévenir les crises, mais aussi de les surmonter et d’en tirer des enseignements pour l’avenir.


1. Anticiper : La réputation se construit et se préserve en amont.

  • Une surveillance constante des risques internes (éthique, conformité, gestion des ressources humaines) et externes (cyberattaques, évolutions législatives, tendances médiatiques) est essentielle.

  • Les outils de veille et d’analyse permettent de détecter les signaux faibles, d’identifier les menaces potentielles et d’agir avant que la crise n’éclate.

  • L’anticipation repose sur une culture de la vigilance et une gouvernance proactive. 


2. Gérer : Lorsqu’une crise survient, la rapidité et la transparence sont cruciales.

  • Une réponse bien calibrée, authentique et cohérente permet de désamorcer la situation et de limiter les dégâts.

  • La gestion de crise ne se limite pas à la communication ; elle implique une coordination entre les équipes dirigeantes, les départements concernés et les parties prenantes.

  • Former les dirigeants et les employés à réagir efficacement en cas de crise est indispensable pour maintenir la confiance et la crédibilité. 


3. Interpréter : Une crise est aussi une opportunité d’apprentissage.

  • Analyser les causes, les réactions et les conséquences permet de comprendre ce qui a fonctionné et ce qui doit être amélioré.

  • L’interprétation des données, des retours d’expérience et des "feedbacks" des parties prenantes est essentielle pour ajuster les stratégies et renforcer la résilience de l’entreprise.

  • Les technologies de surveillance, comme l’intelligence artificielle et les outils de veille médiatique, jouent ici un rôle clé pour décrypter l’évolution de l’opinion publique et adapter les messages. 


4. Réformer : La dernière étape consiste à transformer les enseignements tirés en actions concrètes.

  • Réformer les processus, les pratiques et les cultures d’entreprise permet de prévenir les crises futures et de renforcer la réputation sur le long terme.

  • Cela passe par une révision des politiques internes, une amélioration des relations avec les parties prenantes, et une intégration plus profonde des principes éthiques et de transparence dans la stratégie globale. 



En appliquant ce cycle A.G.I.R, les entreprises peuvent non seulement protéger leur réputation, mais aussi la renforcer, en faisant de chaque crise une opportunité de croissance et d’amélioration.


La réputation n’est pas un état statique ; elle est un processus dynamique, qui exige une attention constante et une adaptation permanente.



Timothy Mirthil 

Ancien journaliste, Timothy Mirthil guide les dirigeants de secteurs sensibles dans l'art de la prise de parole stratégique.

Collaborant avec l'agence TTA, il forme également les cadres exécutifs à la maîtrise des négociations complexes et à l'optimisation de leurs performances par des techniques de bio-hacking.


Sources :




3 actions pour

protéger votre réputation



1. Établir une gouvernance claire : Faites de la gestion du risque réputationnel une priorité au plus haut niveau de l’entreprise.

  • Les mots « Réputation », « Risque » « Crise », « Urgence », « Priorisation », « Résilience » doivent être familiers pour les dirigeants d’une entreprise.

  • Dans le cas contraire, il sera trop tard pour s’initier à ces notions le jour où tout s’emballe.


 2. Anticiper plutôt que réagir : Déployez des outils de surveillance pour détecter les signaux faibles et agir en amont.

  • Une heure par semaine pour activer ces outils et analyser cette veille constitue déjà un bon début.


3. Former et sensibiliser : Intégrez la gestion du risque réputationnel dans la culture d’entreprise.

  • Des employés sensibilisés seront plus facilement mobilisables dans la stratégie de sortie de crise réputationnelle.


Mais, s’il n’y a qu’une chose à retenir, c’est que la réputation n’est pas un simple attribut de l’entreprise. Elle en est l’âme, le récit, le capital invisible qui façonne son destin. À vous d’en prendre soin.




À la une

bottom of page